Construction illicite et modalités de mise en œuvre des garanties contractuelles

Les mesures de démolition ou de mise en conformité prévues à l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme en cas d'infraction aux règles d'urbanisme ne sont pas des sanctions pénales et peuvent faire l'objet de garanties contractuelles de la part d'un acquéreur, qui s'étendent désormais au paiement d'une astreinte.

Dans le cadre de l'exploitation d'un fonds de commerce, des travaux d'extension d'un local commercial avaient été réalisés en infraction aux règles d'urbanisme. Le tribunal correctionnel avait condamné le 17 février 2004 le propriétaire du fonds de commerce à une amende et à remettre les lieux en l'état, sous astreinte.

Le 26 août 2005, le propriétaire du local commercial a cédé son fonds de commerce à la société Scamille et l'acte de vente contenait une clause aux termes de laquelle l'acquéreur s'engageait à garantir le vendeur de l'exécution des mesures relatives au démontage de la structure illicitement mise en place et à exécuter à ses frais les travaux destinés à rendre les locaux conformes à la réglementation.

Mis en demeure par l'administration de payer la somme de 20 880 € au titre de la liquidation de l'astreinte, l'ancien propriétaire du local commercial a assigné la société Scamille pour obtenir le paiement de cette somme et la condamnation de l'acquéreur à remettre les lieux en l'état.

Ayant été condamnée en première instance à payer cette somme à l'ancien propriétaire du fonds de commerce et à la remise en état des lieux, la société Scamille a interjeté appel.

N'ayant pas été entendue, la société Scamille s'est pourvue devant la Cour de cassation, qui a rejeté l'ensemble de ses pourvois.

 

Confirmation de la jurisprudence : les mesures de démolition peuvent faire l'objet de garanties contractuelles

Aux termes de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, en cas de condamnation d'une personne physique ou morale pour une infraction aux règles d'urbanisme, le tribunal correctionnel peut ordonner soit la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les réglementations, soit la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur.

La société Scamille contestait devant la Cour de cassation l'interprétation que la cour d'appel avait fait des dispositions de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme.

La demanderesse au pourvoi estimait que « les mesures de restitution prononcées, par le juge pénal, en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme n'incombent qu'au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol à l'époque où l'infraction a été commise, sans pouvoir être mises à la charge du tiers acquéreur du bien illégalement construit qui n'a pas été mis en cause, à l'encontre duquel elles ne peuvent faire l'objet de garanties contractuelles ».

Pour répondre au moyen de la société requérante, la Cour de cassation rappelle le principe constant en matière de mise en œuvre des mesures de démolitions de l'article L. 480-5 : « les mesures de démolition et de mise en conformité ordonnées en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, qui sont destinées à faire cesser une situation illicite, ne constituant pas des sanctions pénales, peuvent faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur ».

La position ainsi retenue dans l'arrêt rapporté se fonde sur une jurisprudence, plus ancienne de la Cour de cassation dans laquelle il avait été admis que l'obligation de démolir ou de remettre en état pouvait faire l'objet d'une transmission contractuelle à un acquéreur.

Toutefois, le présent arrêt va plus loin, et considère que les mesures de démolition peuvent non seulement faire l'objet de garanties contractuelles mais que ces garanties contractuelles peuvent également s'étendre au paiement de l'astreinte.

  

Nouvel apport : la garantie contractuelle peut s'étendre au paiement de l'astreinte

Après avoir rappelé le principe selon lequel les mesures de restitution destinées à faire cesser une situation illicite ne constituant pas des sanctions pénales peuvent faire l'objet de garanties contractuelles de la part de l'acquéreur du bien illégalement construit, la Cour de cassation considère que la garantie contractuelle peut s'étendre au paiement de l'astreinte.

Pour parvenir à ce raisonnement, la Cour de cassation s'appuie sur une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation, par laquelle il avait été jugé que l'astreinte qui, en application de l'article L. 480-7 du code de l'urbanisme, peut assortir la remise en état des lieux constitue elle aussi une mesure à caractère réel destinée à mettre un terme à une situation illicite et non une peine.

La position retenue dans cet arrêt n'est pas sans rappeler une autre décision de la Cour de cassation qui a jugé : « qu'en se déterminant ainsi, alors que l'obligation de mise en conformité assortie d'une astreinte est une mesure à caractère réel, indivisible par nature, et qu'il lui appartenait, par voie de conséquence, de déclarer les requérants tenus in solidum au paiement de la somme résultant de la liquidation de l'unique astreinte dont le principe était définitivement acquis, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ».

Toutefois, l'arrêt ici commenté se démarque des précédentes décisions en ce qu'il condamne au paiement d'une astreinte un débiteur autre que celui qui a réalisé les constructions irrégulières, à savoir l'acquéreur du bien construit irrégulièrement tenu par des garanties contractuelles de remise en état des lieux.

Ainsi, la garantie contractuelle d'un acquéreur, insérée dans un acte de vente d'un bien illégalement construit, destinée à garantir au vendeur que le prix de cession du bien tient compte des conséquences financières liées au démontage et à la remise en état des lieux conformément à la réglementation, est parfaitement valable.

En définitive, le présent arrêt précise que cette garantie contractuelle peut s'étendre également au paiement de l'astreinte, qui peut être demandé au nouvel acquéreur d'un bien. C'est là l'apport majeur de la décision rapportée.

 

Source : Civ. 3e, 17 sept. 2020, F-P+B+I, n° 17-14.407

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